10 octobre 2024
La nouvelle réalité des médias canadiens : Tour d’horizon avec Alexandre Simard, VP Solutions Numériques
  • Leadership et expérience client
Urbania
Un an après la mise en application de la loi C-18, qui a entraîné le retrait des éditeurs de nouvelles sur les plateformes de Meta, comment se portent les médias locaux?

En 2024, au Canada, trois joueurs majeurs se partagent 74 % des dépenses publicitaires numériques, à savoir Google, Meta et Amazon. Google et Meta connaissent une légère baisse de parts de marché, tandis qu’Amazon croît de manière soutenue depuis deux ans. Le lancement de leur offre vidéo en février devrait accélérer cette croissance dans les années à venir. Sans entrer dans l’analyse de tous les sous-types de canaux numériques, la part combinée des GAFAM diminue lentement, bien qu’ils demeurent largement dominants.

Le marché numérique croît plus rapidement que les acteurs dominants au Canada, ce qui crée des opportunités, bien que limitées, pour les éditeurs locaux de générer de la croissance. Toutefois, la concurrence se diversifie, notamment dans l’offre vidéo, ce qui exerce une pression supplémentaire sur plusieurs médias pour qu’ils se repositionnent.

Selon les données de SimilarWeb, une tendance à la baisse des visites sur les sites de nouvelles au Canada est observée depuis 2022, bien avant qu'en août 2023, Meta n’exclut les sites de nouvelles de ses plateformes. Globalement, cette baisse ne s’est pas accélérée de manière significative d’un mois à l’autre après la décision de Meta. En d’autres termes, les données globales ne permettent pas de mesurer un impact spécifique de Meta sur les éditeurs de nouvelles suite à la loi C-18. Toutefois, les créateurs de contenu journalistique sont les mieux placés pour témoigner des effets de ce changement sur eux. Nous avons donc contacté quelques éditeurs locaux pour prendre le pouls du marché et illustrer leur réalité.

Le plus grand défi actuel pour les éditeurs canadiens semble être de rejoindre leurs audiences via une multiplicité de plateformes, tout en équilibrant l’utilisation des canaux des “grands joueurs” et le soutien des plateformes détenues par les éditeurs eux-mêmes. Nous sommes dans un contexte de grand paradoxe:

« Malgré le fait que les nouvelles ne sont plus accessibles dans l'écosystème de Meta, une partie de la population indique continuer à s'informer sur ces plateformes. »

Christophe Cluzel, directeur Stratégie Marketing à la Société Radio-Canada

Du point de vue des agences, nous observons chez certains partenaires médias une accélération des développements depuis l’an dernier, que ce soit dans le déploiement de nouveaux produits publicitaires ou dans l’augmentation des capacités technologiques.

Lorsque questionnés sur leur vision des cinq prochaines années, les médias interrogés prévoient l’accélération de deux phénomènes opposés mais reliés : une convergence et une fragmentation. La convergence sera menée par les plateformes sociales et les entreprises développant des solutions d’intelligence artificielle (IA), qui détiennent les clés de l’évolution de la consommation d’information. Cette évolution pourrait entraîner la disparition de petits acteurs et nuire à la qualité de l’information.

« Les médias sont une source d’alimentation pour l’esprit et l’âme, et s’alimenter de calories vides comporte des risques à long terme. »

Philippe Lamarre, fondateur et président d’Urbania

Cette position est également soutenue par Patrick Salois, vice-président aux ventes et opérations à La Presse, qui insiste sur la nécessité de sensibiliser le public et les décideurs à l'importance du journalisme local indépendant. Il promeut également la croissance par l’investissement technologique et la diversification des sources de revenus, afin de réduire la dépendance aux revenus publicitaires.

La fragmentation viendra en partie de ce besoin d’indépendance, par exemple à travers des nanomédias, des micro-plateformes sociales et, pourquoi pas, des micro-mags, tels que ceux lancés par Urbania, pour entretenir un contact direct avec les lecteurs et offrir de nouvelles opportunités d’abonnements.

La création d’inventaires vidéo sous toutes ses formes est devenue une priorité, en plus du développement de formats d’annonce dédiés à la performance numérique, de l’intégration de technologies « clean room », de la valorisation des données utilisateurs connectés et d’une approche renouvelée de la mesure des campagnes. Bien que le volume de données, l’accès aux API de conversion et l’attractivité des plateformes vidéo ou sociales confèrent toujours des avantages aux GAFAM, les efforts des partenaires locaux contribuent à rééquilibrer leur part dans la planification média.

Les changements les plus critiques pour affronter l’avenir semblent tourner autour des efforts de sensibilisation auprès des décideurs et de la population canadienne sur l’importance du journalisme local indépendant.

« Une autre idée fausse est que le contenu canadien est moins compétitif à l’échelle internationale, alors que les médias locaux jouent un rôle essentiel en offrant une couverture adaptée aux réalités et aux besoins du public canadien. »

Patrick Salois, vice-président aux ventes et opérations à La Presse

Redéfinir la notion de performance est un défi que tous les acteurs du marché ont adopté, mais tous ne sont pas encore prêts à accompagner les annonceurs dans ce changement. Une consolidation des efforts et le soutien d’associations professionnelles telles que l’A2C ou le CMDC visent à promouvoir la formation et la diffusion des meilleures pratiques en matière d’achat et d’optimisation publicitaire.

Certains groupes média reconnaissent qu’ils auraient dû anticiper davantage la croissance des plateformes numériques mondiales en investissant plus tôt dans des solutions pour réduire leur dépendance à ces plateformes. Cette évolution, qui bénéficiait à tous au départ, n’avait pas révélé l’urgence d’agir autrement. Les leçons ont été tirées, et les médias prennent désormais leur destin en main pour la prochaine phase de transformation.

« Nous vivons une époque où rien n'est acquis et où tout change de plus en plus vite. »

Christophe Cluzel

« Plus jamais on ne nous reprendra à mettre notre destin entre les mains de Zuck ou Musk. »

Philippe Lamarre

Touché! remercie Patrick Salois de La Presse, Émilie Filion et Christophe Cluzel de SRC, et Philippe Lamarre d’Urbania pour leurs points de vue et leur participation à cet article.

Redéfinir la créativité

Nous croyons fermement que la créativité en média et en marketing doit sans cesse être renouvelée. Audacieux, portés par la puissance des connexions créées par une créativité qui redéfinit les codes, nous faisons de cette créativité notre moteur de réussite… et surtout celle de nos clients.